Rom est Juliette ou l´histoire d´un film

Rom est Juliette ou l´histoire d´un film

Reprise du seul film tchécoslovaque exporté à l'étranger dans les années 70, «Rêves en rose», qui raconte les amours impossibles d'un Slovaque et d'une Tzigane.

Le magicien Jakub avale les couteaux, fait éclore les poussins de sa casquette, délivre les missives et colis dans son patelin natal en multipliant les cabrioles à vélo, un sourire indélébile flanqué au visage. La jeune gitane Jolanka, en dépit des avertissements de sa communauté, laisse son amour infuser à l'égard du candide facteur.

Seul film tchécoslovaque exporté à l'étranger dans les années 70, Rêves en rose revient sur les écrans. Le cinéaste Dušan Hanák (coécrit avec Dušan Dušek) l'a tourné en 1976 pendant la guerre froide, sous la chape du communisme. Au fil du récit, le prisme d'un amour impossible se dessine entre le jeune comico-«Roméo» et son émouvante «Juliette». Les deux familles demeurent résolues à éloigner le «gadjo» et la «Tzigane», persuadées que rien de bon ne peut naître de cette union. Au regard de l'époque et de ses diktats, Rêves en rose brise le tabou d'une communauté rom méprisée et occultée des écrans. Le film se retrouvera par ailleurs fliqué par les autorités qui exigent un happy end, ce que le réalisateur refuse au départ, puis nuance par la suite, pour que le tournage ait bien lieu et que l'objet final puisse être diffusé.

Tel une Maison des bois (Maurice Pialat) tchécoslovaque ponctuée d'ellipses qui rendent le tout encore plus ahurissant, Rêves en rose semble tirer son espièglerie des contraintes jusqu'au doublage - le slovaque - sur des comédiens parlant le tchèque, ajoutant une touche de décalage farfelu. Le film, tiraillé comme les enfants qu'il porte en son cœur, possède cette aura fascinante mêlant naturalisme, pointes de fantastique, innocence et humour, ainsi qu'une étrange fadeur qui tombe comme une averse sur un sol de béton. Les destinées inconciliables des deux amoureux viennent se glisser le long de gestes tendres. Advienne que pourra : Jolanka se coupe quelques poils d'aisselle et les glisse secrètement dans la poche de son prétendant. Jakub la poursuit dans le wagon d'un rêve, carabine à la main, pour la libérer du joug de la famille qui le traite de «gadjo au cœur sale». Les chants ensorcelants se mêlent à la haine crachée, les sourires bêtas aux regards tranchants. Non loin, le couple s'échange un baiser de fumée.

Le réalisateur, Dušan Hanák né le 24 avril 1938 à Bratislava fait ses études à Prague et devient le chef de file de la nouvelle vague slovaque avec, en 1969, la sortie de ses deux premiers longs-métrages, 322 et Images du vieux monde. Sujet à des difficultés avec la censure, son film J'aime, tu aimes (1980) est primé à Berlin huit ans après sa sortie. Toutefois, Hanák renoue avec le succès grâce à une série dramatique pour la télévision, Doktor Jorge.

En 2006, il reçoit des prix au festival cinématographique de Bergame pour l'ensemble de sa carrière ainsi que le prix de la caméra d'or au festival Art Film Trenčianske Teplice. En 2007, il est récompensé du globe de cristal au festival de Karlovy Vary.

Où que vous soyez sur la planète cinéma, allez donc voir „Rêves en rose" de Dušan Hanák avec Juraj Nvota, Iva Bittová.

Source: Mathieu Macheret Le Monde

J.D.Angibaud Foto: TASR

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